Vie intérieure
- Marie-Thérèse Peyrin
- 15 févr.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 mai
Tout ce que tu ne dis pas aux autres est plus volumineux que ce que tu partages avec eux. Faire ce constat à l'avant-dernier quart de ta vie, à supposer qu'elle ne soit pas abrégée sans ton consentement te rend perplexe. Cela n'ira peut-être pas jusqu'à la consternation. Tu n'en auras pas le temps. Savoir réduire la surface d'expansion des pensées intimes, même banales, semble faciliter la vie collective. L'éducation, quand elle est dite bonne et utile, consiste à bien faire et laisser braire. Le bien faire, pour la communauté, et non uniquement pour soi, est plus valorisé que le papillonnage verbal saturé de promesses mal tenues. Le silence vaut de l'or dit-on, la parole est un métal moins précieux. Il s'oxyde dans les marchandages incessants, il se dilapide, tandis que l'or se cache et fait l'objet de spéculations. Lorsqu'il devient immatériel, c'est qu'il est inaccessible. Est- ce pour cela que le "doré" clinquant attire autant les yeux. On aime la pacotille, le faux-semblant pour se "faire croire", se montrer plus à son avantage entre deux sentiments de dépossession. L'or vaniteux des royaumes suinte jusqu'à la tenue vestimentaire et la parade ciselée des murs. Comme le marbre des tombeaux et des colonnes, il s'impose comme prise de guerre inaltérable réservée aux plus chanceux ou plus dominants. Le monde crève de ses richesses enfouies et surexploitées, objets de convoitise perpétuelle et de conflits sans fin. L'omerta sur les crimes qu'elles génèrent est permanente, à peine bousculée par la litanie des scandales et des exactions, matières à paroles vaines dans les égouts médiatiques qui en vivent. Et ton silence dans tout cela ne pèse pas plus lourd qu'une scorie microscopique que tu espères fertiliser dans l'écriture sur ce pan de présence à toi-même. Cette page éclairée à contre-jour, à contre-temps ? Ton silence berce tes mots pour les rendormir en rêvant des profondeurs ... Que ne "reste que la nacre... », comme le disait dans un poème, Marie-Ange Sebasti, l'amie disparue... La nacre qui ne se retrouve qu'après avoir vécu dans le souvenir d’une île perdue.




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