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Un printemps jardinier

  • Photo du rédacteur: Marie-Thérèse Peyrin
    Marie-Thérèse Peyrin
  • 7 mai
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 mai

Un vieil homme l'avait prédit sans que j'y accorde une importance suffisante. Il ne m'avait posé aucune question. J'étais venue chez lui, un peu craintive, guidée par une copine préadolescente comme moi et qui n'est plus de ce monde ... Elle était la petite dernière choyée d'une fratrie de 9 dont le père était mort prématurément. Mariée à un militaire, elle a été déracinée de notre quartier, elle a mis au monde quatre enfants que je n'ai pas connus et a fini par se suicider... Je l'ai su bien après. Lui, au village, elle le prétendait voyant magnétiseur, un peu étrange mais très gentil. Son aspect hiératique cependant bienveillant m'avait impressionnée. Il ne parlait pas comme les gens d'ici. Venait-il d'ailleurs ? Son regard était particulier, comme concentré en un point reculé de lui-même, à l'intérieur de son crâne. Ses traits ridés restent flous dans ma mémoire. Je ne l'ai rencontré qu'une seule fois. Comment avait-il atterri sur la Place dite Couverte, dans le bourg médiéval, assez près de l'église où nous venions souvent à l'époque, à cause de la bigoterie ambiante.


ll nous fallait monter une paire de hauts escaliers pour franchir la large porte-fenêtre et accéder à une grande pièce de vie, un salon modeste et bien rangé, qui avait dû être une boutique autrefois. Cette configuration très ouverte constituait presque une anomalie pour un logement privé. Je n'ai pas retenu son nom. Il semblait accoutumé à recevoir toutes sortes de visites. C. me l'a affirmé et lui a demandé sans sommation de prédire notre avenir... Je n'ai pas osé la contredire, je me sentais incrédule et craintive, car assez rétive aux superstitions maternelles parmi lesquelles je grandissais avec mes frères et soeur. Prévoir le malheur pouvait être une activité utile et un pouvoir à garder sous le coude. Bien sûr, je n'y souscrivais pas et m'éloignais chaque fois qu'elle racontait ses rêves prémonitoires. Sans doute un réflexe de survie...


Ce jour là... Il me dit que dans un temps très lointain encore j'allais revenir très près de la Nature, que je travaillerais sûrement la terre... Cette prédiction que je lis aujourd'hui comme une recommandation me plaît énormément. Depuis ce Printemps, le jardinage a débarqué dans ma vie sans que je m'y sois préparée consciemment... J'étais trop jeune quand mon père le pratiquait brillamment après sa journée de travail, j'imagine qu'il aurait pu nous initier s' il n'en avait pas été empêché lorsque sa fonction d'oenologue a évolué vers un emploi du temps trop chargé en responsabilités de direction. Dans ma vie d'adulte en ville, je n'ai jamais pu renouer avec ce souvenir : la splendeur odorante et nourricière d'un jardin bichonné et grandement nécessaire aux ressources de famille nombreuse.


Aujourd'hui, je prends enfin le chemin d'un rapprochement tardif avec la patience des plantes si silencieuses, si apaisantes et mystérieuses.


Le vieil homme a disparu. Sa prédiction se réalise malgré moi pour ma plus grande joie.

 
 
 

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