Au plus simple
- Marie-Thérèse Peyrin
- 2 oct.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 oct.
A partir de quelques notes griffonnées sur du papier kraft ces deux derniers jours...
A chaque fois que je croise une belle écriture , j'ai l'impression de re-découvrir le goût d'une eau de source. En cela ma fidèle fréquentation de Charles Juliet aura beaucoup compté. Je sais que je ne peux pas entrer dans un livre quand l'envie d'en sortir est instantanée. Pareil pour le poème. Il doit rentrer dans mon esprit comme dans du beurre, avant d'entrer dans mon coeur, si c'est jouable... Il m'arrive de lire simplement pour m'instruire, mais je picore... Les livres savants m'ensuquent. Je ne les lis pas le soir. J'aime lire, mais je suis moins endurante et peut-être moins perméable qu'autrefois. Pas moins patiente, mais plus exigeante, sans être élitiste. Je travaille à m'en garder le plus possible, bien que tout soit fait pour propulser l'idée de mérite et d'impact médiatique en Littérature. J'admire le travail bien fait. Un livre comme Ostinato de René-Louis des Forêts remplit cette condition. "Le temps est sans pitié pour ce qui se fait sans lui". Je ne tiens pas compte des prescriptions saisonnières dans mes choix. J'aime particulièrement les trajectoires, aussi les débuts d'écrivains, je les suis longtemps, je ne les oublie jamais même si je passe à autre chose. Comme Patrick LAUPIN, j'aime l'écriture des enfants ou des adolescent.e.s que l'on voit "perdus dans langue" et paumé.e.s dans leurs émotions. J'aime animer des Ateliers d'écriture Poétique. J'apprends de nouvelles façons de dire et de faire dire, même si ça part de loin ou de pas grand chose. " Comment te sens-tu aujourd'hui "? "Tu veux l'écrire ? " Tu veux lire un peu avant, ce que d'autres ont écrit ?" On pioche où ? " "Et toi, qu'est-ce que tu dis?... "Si ça te va, ça me va ... "
J'aime les livres écrits par les femmes (je pourrais en citer beaucoup) parce qu'ils m'ont manqué dans les vies de mes ascendantes. Femmes assignées à résidence maritale, pas forcément brimées, mais exploitées, instrumentalisées à vie, et qui n'ont jamais pu publier le fond de leurs pensées et entrer en politique collectivement pour changer la donne.. Aujourd'hui on les voit investir des espaces de pouvoir , encore timidement, sauf les plus coriaces qui se font molester facilement et qui y retournent , parfois revanchardes et ce n'es pas cela qu'il faut. J'aime les rebelles qui ont oublié d'être belles à l'extérieur plus qu'à l'intérieur. J'aimerais que tout le monde s'y retrouve et que les hommes cessent d'avoir peur des femmes qui écrivent, lorsqu'ils se voient en miroir dans leurs livres, et que ce n'est pas flatteur. La peur de la castration a encore de beaux jours devant nous. Les Talibans en font leur charia. Françoise Héritier n'a jamais cessé de plaider dans le sens des luttes, jusqu'à la cécité je crois. J'entends encore sa jolie voix de poupée en porcelaine , ses bonnes joues rieuses, redire les vérités qui gênent. Il faut continuer sans caricaturer. Bien sûr , c'est compliqué. Mais on sait où on veut. Il n'est pas anodin que des jeunes aujourd'hui ne parviennent pas à se projeter dans une identité sexuée injonctive. Certain.e.s préfèrent ne pas choisir et jouir en toute ignorance des effets futurs. On ne les fait pas rêver; flipper plus certainement. On aimerait les aider.
Tandis que l'ingéniosité des poètes à triturer la langue et les sons m'enthousiasme, je continue à acheter des livres. Mais je n'apprécie guère des longueurs narratives, les litanies aguicheuses, les coups de force acrobatiques pour capter l'attention des lecteurs et lectrices. Mes meilleur.e.s Ami.e.s en Poésie sont concis et discret.e.s, ne se mettent pas en avant ou seulement par embuscade ou surprise. On les a un peu bousculé.e.s avec des promesses d'auditoire. La plupart sont déçu.e.s, pas celles et ceux qui ont besoin de projecteurs et de reconnaissance. J'expliquerai mieux un autre jour , pourquoi je pense ce que je pense. Je vais chez les Poètes morts aussi selon mes mouvements de recherche, j'apprécie qu'ils ou elles ne se plaignent jamais. En tout cas moins que les ayant-droit et les maisons d'édition qui récupèrent la manne. Mais je ne devrais pas m'en préoccuper.
Je revisite ces temps certains pans de ma vie. Je me rapproche sans hâte de l'estuaire. J'y pense tous les jours, et ça me rend méditative, pas triste encore... Je ne suis pas seule parmi les têtes retraitées qui se posent ces questions. Je pense à la vieille Dame à tête blanche et souriante, croisée l'autre jour dans un Jardin Mécanique insolite, chez un autre Charles, à Ruffieu , dans l'Ain. Avec Thierry, Antoine et Dimitri , la poésie pulsait dans ce Courant Alternatif plein de réminiscences... A la fin, une probable nonagénaire m'a fait un geste rigolo avec sa main lancée derrière son épaule, alors que je l'invitais à se lever : - Non, je ne me lève pas. La danse , c'était avant ! On rigole, on est complices. La Fête était belle. Nous étions dans un moment simple et serein.




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